Immigration: « le referendum » réactionnaire et anachronique d’Emmanuel Macron
Pourquoi devrions-nous encombrer voire polluer nos esprits en pleine multipolarité avec le referendum réactionnaire et anachronique d’Emmanuel Macron sur I’immigration, alors même que nous nous battons pour la libération totale de l’Afrique de cette idéologie neo-civilisationnelle, néo-conservatrice, et néo-coloniale???
Ce serait pure perte de temps et d’énergie sur une distraction politicienne extrêmement franchouillarde.
Parce que notre conviction progressiste et panafricaine profonde, malgré les images révoltantes de Lampedusa, est que dans quelques années c’est davantage la France alors puissance moyenne européenne qui aura désespérément besoin de migrants africains (ce sont en effet eux qui sont implicitement visés dans ce referendum d’inspiration raciste et xénophobe); que l’inverse.
Prenons simplement date, et laissons-les inspirateurs fascistes de cette « réforme » patauger à bonne distance dans leurs immondices haineuses.
Pour autant militons et oeuvrons activement pour que la destination européenne et singulièrement la France ne soit plus une attraction démesurée pour les jeunes et futures générations africaines. Leur veritable avenir est en Afrique, pas dans une Europe et une France repoussoir, vieillissante, passéiste.
Nous devons avoir le courage de leur tenir ce discours de vérité.
Joël Didier Engo, Association NOUS PAS BOUGER
Billet/ Libération le 17 sept 2023
Immigration : l’épreuve de vérité, par Serge July, cofondateur de Libération
A rebours des accusations de la droite et de l’extrême droite, la France accueille proportionnellement peu de migrants par rapport à ses voisins européens. La faute à un manque d’attraction qui pourrait mettre à mal notre système social. Un constat que doit prendre en compte Emmanuel Macron dans son projet de loi immigration.
Des migrants sur un canot traversent la Manche pour rejoindre le Royaume-Uni, le 16 septembre 2023. (Sameer Al-Doumy/AFP)
Je ne suis pas un fan de Gérald Darmanin, mais affirmer comme il l’avait fait le 6 décembre 2022 devant l’Assemblée : «Nous pensons que l’immigration fait partie de la France et des Français, depuis toujours. L’immigration est un fait, il ne sert à rien d’être contre», en prenant le contrepied de la droite – dont LR, son ancien parti – et de l’extrême droite, faisait du bien à entendre alors que toutes les droites françaises jouent depuis un demi-siècle avec le spectre d’une invasion migratoire. Ce n’est pas pour autant que le ministre d’Emmanuel Macron joue franc-jeu sur le sujet.
Prenons un ministre de droite, à bien des égards exemplaire et caricatural sur le sujet, une verve et un côté rentre-dedans du vieux gaulliste qui a tout vu : on aura reconnu Charles Pasqua, qui fut ministre de l’Intérieur après la victoire de la droite en 1993. Il promettait à son électorat de droite d’atteindre très vite l’immigration zéro. Le Conseil constitutionnel a censuré à huit reprises son projet de loi, ce qui de facto protège le droit d’asile qu’il avait malmené, et le ministre s’est retrouvé Gros-Jean comme devant.
Son projet de loi prévoyait entre autres l’expulsion automatique en cas de condamnation. C’est devenu un classique. Il a même organisé des charters à grand spectacle avec des migrants menottés, encadrés par des policiers. Il a dû y renoncer. Il a essayé ensuite de négocier avec les pays de départ. Lui, comme ses successeurs, a dû en rabattre : il fallait subventionner l’expulsion et graisser de nombreuses pattes dans les pays d’origine… Même Charles Pasqua, qui n’avait peur de rien, a échoué. Je le prends comme référence parce que la plupart des plans de droite et d’extrême droite sont calqués sur ses propositions d’alors. Après lui, huit lois de compression de l’immigration ont été votées depuis l’an 2000, aucune n’a réussi quoi que ce soit sur le sujet.
Le chercheur François Héran, professeur au Collège de France, étudie depuis de nombreuses années les phénomènes migratoires. Il a repéré les périodes de progression du nombre de migrants : une forte croissance entre 1946 et 1975, puis une longue stagnation entre 1957 et 1999, et une remontée ininterrompue de 1999 à 2020 de l’ordre de +2,1 % par an. «Depuis l’an 2000, la progression des immigrés dans la société française est donc plus soutenue que durant les Trente Glorieuses.» Alors les migrants étaient originaires de Grèce, du Portugal, d’Espagne et d’Italie ; depuis les origines de départ ont changé.
Au total entre 1999 et 2020, le nombre d’immigrés au sens de l’Insee est passé de 4,4 à 6,8 millions, soit une augmentation de 56 %, très supérieure à celle de la population de la France limitée à quasi 11 %. Autrement dit, il n’y a jamais eu autant d’immigrés en France. Ça, c’est VRAI.
Sauf que le phénomène n’est pas propre à la France, ni même à l’Europe : il est mondial. Entre 2000 et 2020 selon l’ONU, nous sommes passés de 173 millions d’immigrés recensés dans les pays de destination à 281 millions, soit une augmentation de 62 %, alors que la progression de la population mondiale était durant cette période de seulement 27 %. Autrement dit, c’est bien «une lame de fond» : l’Europe n’a pas échappé au phénomène, où le nombre d’immigrés est passé de 45 millions à 75 millions durant la même période.
L’attractivité supposée de la France invoquée par toutes les droites est une pure légende, ou si on veut une escroquerie délibérée. Le fameux «appel d’air» supposé attirer les migrants par millions est introuvable dans notre pays. Sur 2,33 millions de demandes de protection entre 2014 et 2020, déposées par les Syriens, les Irakiens et les Afghans dans l’Union européenne, la France n’en a reçu que 106 000, soit 4,5 %. L’appel d’air a existé dans plusieurs pays, mais pas en France !
La réalité, c’est que l’accueil en France n’est pas du tout séduisant : certes, beaucoup de migrants traversent la France. En Allemagne, les migrants apprennent la langue, ils sont pris en charge pour des formations, pour la recherche d’un emploi, pour les logements. Le constat s’impose : cet accueil en Allemagne, les moyens mis en œuvre, ont facilité leur intégration. A peu près l’inverse de la méthode française, qui consiste à faire des migrants d’abord des clandestins, des mendiants, des personnes fragiles. C’est honteux.
On a bien compris que le ministre ne cherchait pas à rendre la France attractive, mais même le volet du projet de loi immigration sur les secteurs en tension, pour que ça marche, il faudrait investir sur l’accueil, embaucher beaucoup de fonctionnaires pour rendre l’administration préfectorale plus efficace (et séduisante) en matière d’immigration.
De toutes les manières, le système social français repose sur les actifs au travail et sur leurs rémunérations. Et plus, ils sont nombreux et plus l’avenir du système social français sera assuré. Cela concerne tout le monde, et au premier chef les migrants qui cotisent malgré tout.
Le projet Macron sur l’immigration est construit sur le principe du «en même temps» : un volet répressif pour séduire la droite et un volet régularisation par secteurs pour séduire l’électorat de gauche. Résultat, ce projet est en panne depuis des mois, le Président cherchant à séduire les membres du parti Les Républicains qui ne veulent pas du volet régularisation et qui rêvent surtout d’une motion de censure…
L’initiative prise par des députés venant de Renaissance, du Modem, des socialistes, des Verts et du Parti communiste se propose de régulariser les travailleurs sans papier dans les secteurs en tension. Ce qui revient à prendre le Président et son ministre au mot. Allons-y…
Je renvoie à la lecture décapante de l’essai de François Héran Immigration : le grand déni, au Seuil
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